PLONGEE  SOUTERRAINE

Le tunnel sans fin
au pied des falaises du cap morro de Toix

Récit de Claude Lapeyre

 

le cap Toix
Cap Morro de Toix

 

entre Calpe et Altea (province d'Alicante en Espagne)

carte d'Espagne

 

1971

Lundi 2 août - midi

Plongeurs:

Claude Lapeyre en 1971
Claude Lapeyre
Marcel Philippeaux en 1971
Marcel Philippeaux


 

Le lundi 2 août 1971,
je longe, avec Marcel Philippeaux,
la face sud du cap Toix, par 20m de fond.

Nous connaissons les nombreuses petites grottes
qui s'enfoncent sous la falaise.

En continuant vers l'ouest, le fond remonte
et nous sommes bientôt à moins de 10m de profondeur.

Un peu plus loin, à 8m de profondeur,
nous nous trouvons face à l'entrée d'un tunnel
d'environ 1 m de diamètre.

 
carte cap Toix


Entrée du tunnel

 

Nous n'avons pas de lampe.
Je demande à Marcel de m'attendre
et j'entre voir si ce tunnel mérite qu'on y revienne avec du matériel.

coupe de l'entrée

Après un parcours d'une vingtaine de mètres,
me retrouvant dans le noir, je fais demi-tour.

Je m'aperçois alors que je suis aspiré vers le fond.
Je dois lutter contre ce courant,
en m'accrochant aux parois de ce boyau
pour regagner la sortie.

Quel est ce mystère?
La mer est aspirée dans la montagne...

 

1972

 Dimanche 13 août - 18h30
Profondeur: 30m
Durée: 40mn
Palier: 10mn à 3m

Plongeurs:

Patrique Raquin en 1972
Patrick Raquin
 
Claude Lapeyre en 1972
Claude Lapeyre

Cela fait un an que nous n'avons pas rendu visite à ce tunnel aspirant.
Cette fois, nous sommes munis de lampes et d'une corde.

chemin parcouru dans le tunnel sans fin

Quel est ce mystère?
La mer est aspirée dans la montagne...

 

Claude Lapeyre et Patrick Raquin
Quelques jours plus tard, le vendredi 18 août à 19h,
nous revenons en ajoutant une corde de 40m à celle de 60m déjà utilisée.

la salle noyée à 20m de profondeur
 
les stalactites immergées
Les concrétions ne se forment jamais sous l'eau.
Les stalactites de la salle noyée
sont bien la preuve que le réseau n'était pas
immergé il y a 20 000 ans, époque glac!ère
avant un réchauffement de la planète.

Partant de  cette salle noyée, le tunnel continue vers le bas, en plongeant à la verticale.
Vers le haut, il forme une cheminée de 20m que je remonte jusqu'à une surface.

Claude Lapeyre
 
stalactites


Du plafond de cette grotte, avec de l'air respirable, pendent de magnifiques stalactites
longues et fines comme des aiguilles.

grotte avec de l'air
 
stalactites

Patrick Raquin vient me rejoindre en suivant la corde.
Nous redescendons à la salle noyée à -20m et, partant de là,
je m'engage à nouveau dans le tunnel qui plonge, cette fois, en suivant la verticale.

dans le tunnel sans fin

Je m'arrête vers 30m de profondeur
sous une avalanche de détritus
soulevés lors de nos déplacements
et entraînés par ce courant qui nous aspire aussi.
La visibilité devient quasi nulle.

Retour difficile contre le courant en se halant sur la corde.

 

Quel est ce mystère?
La mer est aspirée dans la montagne...

Peut-être, ci-dessous, un élément de réponse, sur l' île grecque de Céphalonie:

moulin de Céphalonie
moulinde Céphalonie
moulin de Céphaloni
 

Près d'Argostolion, sur l'île de Céphalonie
(à côté d'Ithaque, l'île d'Ulysse),
les roues des moulins adossés au flanc de la presqu'île
ont toujours été actionnées pendant deux siècles
par l'eau de mer canalisée
qui s'enfonce dans la terre par des failles et des fissures.

moulin d'Argostolion

La circulation se fait selon le principe
des vases communicants.

Le réseau qui s'étend sous l'île de Céphalonie
forme une sorte de tube en U.

coupe de l'île de Céphalonie

La branche à l'Ouest contient de l'eau salée provenant de la mer.
La branche à l'Est contient de l'eau douce provenant de la pluie.
La différence de densité explique la différence de niveau.
L'eau douce rejoint l'eau de mer à une profondeur de 70m.
L'eau saumâtre très diluée résultant du mélange,
remonte ensuite à l'Est, provoquant à l'Ouest un appel constant
d'eau salée qui fait tourner les moulins.

 
plan de l'île de Céphalonie
Le réseau souterrain traverse l'île de Céphalonie.
Le débit de ce réseau souterrain est de 200 litres/seconde.

 

 

1973

 Mercredi 29 août - 17h

Profondeur: 38m
Durée: 30mn
Palier: 10mn à 3m

Plongeurs:
Claude Lapeyre en 1973
Claude Lapeyre
 
Bill Smith
Bill Smith

Nouvelle visite au tunnel sans fin, avec Bill Smith qui ne connaît pas ce site.
J'entre seul et suis le tunnel, pour faire surface après le siphon de 20m.
Bill vient me rejoindre.
Nous voulons vérifier s'il y a des points communs avec l'île de Céphalonie?
Nous sommes dans un petit lac d'eau douce à 18°
alors que le tunnel aspire de l'eau de mer à 26°.

Nous redescendons à la salle noyée à -20m et, partant de là,
je m'engage dans le tunnel qui plonge, en suivant la verticale.
Par endroit, il se rétrécit provoquant alors une accélération du courant.
Je réalise alors le danger:
si le tunnel se réduit tout à coup à une simple fissure,
je m'y trouverai plaqué comme on peut l'être contre la grille de vidange d'une piscine.

Je m'arrête un peu avant 40m de profondeur et fais demi-tour.

coupe

Où conduit ce tunnel sans fin que je n'ai plus visité depuis ce jour là?

Si depuis cette date, des plongeurs sont allés plus loin,
ils peuvent nous contacter, envoyer leur histoire, ou un commentaire.
cliquer ici:
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les falaises du cap Toix

Les falaises du cap Toix cachent beaucoup de grottes:

plan des sites
cliquer sur le plan pour voir les autres sites

Le 2 septembre 1973 je visite le site n°5.
Il s'agit d'une grotte où débouche un tunnel qui expluse de l'eau douce glacée.
Ici, au contraire du site n°3, il faut lutter contre le courant pour entrer.
C'est très étroit. Manquant de rester coincé par deux fois, je renonce.
Là aussi, se trouve une surface et de l'air respirable.

 

cap Toix sous la pluie
Le cap Toix sous la pluie.
Les cascades donnent une idée des rivières souterraines qui coulent dans le massif,
sans parler des innombrables sources sous-marines au large qui jaillissent du sable par 15 ou 20m de fond.

 

Si depuis cette date, des plongeurs sont allés plus loin,
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Le 19 mai 2011 nous avons reçu un message du centre de plongée d'Altea:

centre de plongée d'Altea
cliquer pour joindre le centre de plongée

"Nous connaissons cette grotte.

Pour la plongée, un niveau loisir n'est pas approprié.
Par conséquent, nous ne sommes jamais entrés.
Nous avons seulement observé avec curiosité depuis son entrée.

Actuellement, des études sont effectuées
par les chercheurs.

Cette grotte fait partie du plus grand système fluvial en Europe et
communique avec Moraig Caves à Moraira."

 

les sites de plongée au cap Toix
Sites de plongée autour du cap Toix
proposés par le centro de buceo Greenwichdiving d'Altea

 

 

Commentaires de Claude Lapeyre:

Claude Lapeyre

Quarante ans ont passé depuis le début de cette aventure.

Pendant toutes ces années, comme nous l'a confirmé le centro de buceo Greenwichdiving d'Altea,
des études ont été effectuées qui prouvent que j'avais vu juste dès 1972.
Le phénomène est semblable à celui qu'on observe en Grèce.


Ci-dessous, un extrait du rapport des services hydrologiques de Valencia:

L’île de Céphalonie en Grèce est célèbre pour le phénomène de la mer-Katavothres:
un flux continu d'eau de mer entre dans la terre, à travers des cavités, circulant dans un tunnel souterrain pour réapparaître à 16 km de distance.
Pendant des années, ce cas fut considéré comme unique au monde.

Dans la Costa Blanca, en Espagne, un phénomène de ce genre,
encore plus spectaculaire existe en partant du puisard de Toix.
Dans ce cas, les chemins par lesquels l'eau de mer circule ne sont pas connus,
bien que les observations conduisent à la conclusion
qu’elle emprunte le système aquifère de la dépression de Benissa,
pour ressortir à la résurgence del Moraig (Benitachell - Alicante),
à une distance de 20 km au nord.

TOIX MORAIG
On ne connaît pas le parcours souterrain de l'eau entre Toix et Moraig (20km)

Dans son périple, l'eau de mer entraîne la contamination d'une grande partie du système principal d’eau douce aquifère située dans le crétacé supérieur et les calcaires oligocènes.

En mars 1998, le Service des Travaux Publics de Valencia (maintenant le Ministère des Travaux Publics) par sa commission des ressources en eau, lance une étude pour la récupération des nappes aquifères de la dépression Benissa Marina Alta - Alicante.
En complément une étude hydrogéologique classique instrumentale
et océanographique (courants, débit…) est lancée dans les deux cavités.
Des séries chronologiques sont enregistrées à des intervalles de 30 minutes
pendant une période de 18 mois (01/08/1998 à 27/01/2000).
Les paramètres mesurés avec ces instruments ont été les suivants:
température, conductivité, pression, intensité et direction de l'écoulement.

Au cap Toix, à l'entrée, le débit moyen de l'intrusion d’eau de mer,
dans cette période de mesure, est estimé à 433 litres / seconde .

À Cala Moraig , à la sortie, le débit moyen de l'eau
à la même période, est estimé à 900 litres / seconde .

Les différences des résultats des mesures effectuées dans deux cavités,
la sortie à Moraig et l’entrée à Toix,
montrent l’apport d’eau douce au cours du parcours souterrain,
tout en soulignant l'importance du phénomène.

La trop forte concentration de chlorures (eau de mer) dans les eaux souterraines
semble rendre improbable une captation d’eau potable.

 

 

À lire ce qui précède, je me dis que j'ai bien fait de ne pas insister en 1973.
J'ai bien fait de m'arrêter à 40 m de profondeur.
Aspiré par le courant, j'avais devant moi un parcours souterrain de 20 km.
Aucune chance d'arriver au bout du tunnel sans fin.

 

Claude Lapeyre

"Mémoires de Plongeurs" c'est aussi un livre
(cliquer sur la photo)

 

 

ATTENTION DANGER - PLONGÉE MORTELLE

 

20 juillet 1982
Cova Del Moraig (Benitatxell, Alicante- Espagne) :

Deux plongeurs non formés aux techniques de plongée souterraine s’engagent dans un siphon
avec chacun un bi-bouteilles et un seul détendeur.
Un des deux plongeurs seulement est équipé d’un manomètre.
Ils progressent jusqu’à environ 500m de l’entrée puis font demi-tour.
Celui qui n’a pas de manomètre se trouve à court d’air pratiquement immédiatement après avoir fait demi-tour.
(Son corps sera retrouvé à 370m de l’entrée. Profondeur: 22 m).
Affolé par le décès de son compagnon, l’autre plongeur retroune précipitamment vers la sortie.
Il décède d’une syncope, à court d’air, à 110m de l’entrée
après avoir essayé de respirer l’air de la bouteille de sa Fenzy.

 

 

21 septembre1992
Cova del Moraig (Benitatxell, Alicante - Espagne) :

Un plongeur allemand, très familier de la source pour y avoir dirigé études et explorations,
comptant plus de 300 plongées dans cette cavité
qu’il a explorée sur un distance de 1100m avec un passage à -62 m,
s’immerge, avec un collègue espagnol, pour une dernière plongée de la saison afin de collecter de l’eau,
du plancton, des sédiments et quelques spécimens de la faune.
Les deux plongeurs se suivent jusqu’à 300m.
L' espagnol fait alors demi-tour en effectuant ses relévés.
L’allemand poursuit au propulseur.
La pratique qu’il a acquise en plongeant à maintes reprises dans cette source
lui confère une confiance en lui exagérée qui le conduit à ressortir chaque fois avec très peu d’air.
Il n'a pas de réserve d' air et compte sur le fonctionnement du propulseur
pour regagner comme d'habitude la sortie en extrême limite.
Le plongeur allemand décède lors du retour à 200m de l’entrée du siphon (profondeur-15 m) à court d’air.
On le retrouvera la main sur le fil-guide.
Son propulseur sera retrouvé à 243m de l’entrée, l’hélice prise dans le fil.


En savoir plus sur la plongée souterraine:
cliquer ici

 

Mail reçu le 02 avril 2012 d'un certain Frédéric LAMU:
"C'est en lisant ces reportages que je vois que la (vrai) plongée "contient" l'exploration et a pour but la découverte.
Cette découverte dans les mondes sous marins est toujours risquée,
et c'est le goût de la connaissance, le désir de l'inconnu qui alimente l'action.
Des images de lieux insensés, magiques, effrayants, des instants uniques.
Merci de communiquer tout cela.
Un grand respect."

 

Mail reçu le 1er Mars 2015 de Patricia Heuzé:
grand grand respect, à la fois une découverte incroyable et surprenante ,
condition, méthode de plongée extraordinaire ... j'allais dire brin de folie des plongeurs
mais non il faut être très lucide pour faire ça et être aventurier ! curieux aussi...
et d'avoir fait ce dossier, ces recherches, je trouve cela fantastique
bravo, MERCI à ces plongeurs qui, néanmoins, prennent de gros risques !

 

Mail reçu le 11 juin 2016 de Jean-Charles Guyonneau:
En 1974 à Fontaine de Vaucluse nous devions descendre à -55 pour faire trois mesures "topo".


Jean-Charles Guyonneau

Notre double deca étant trop court, à -60, mon équipier, peu habitué,
n'a pas compris ma demande pour fractionner une mesure entre marqueurs et
lâche tout.
En suivant la pente, il disparait derriere un énorme bloc...
Étant relié par fil à la surface je ne peux le rattraper.
Heureusement, une minute plus tard (et plus profond) il réapparait et je lui montre la sortie ...
Apres d'interminables paliers on émerge et je demande des explications (que j'attends encore).
Considéré comme non fiable il sera ecarté des plongées suivantes.
À ce camp FFESSM j'etais moniteur fédéral ...
Pas toujours simple d'obtenir un respect des consignes.

 

 

Je vous joins deux photos sur l'utilisation des flashs électroniques grande puissance que j'ai construit et utilisé.
Flash esclave déclenché sans fil par cellule optique dans la main gauche du sujet.
La sychro est obtenue grâce au système faible voltage à thyristor que j'ai mis au point en 1973.
Fiabilité totale et pas de risque de "chataigne" (publié dans la revue "chasseur d'Image").
C'est un peu loin tout ça ....

 

 

 

 

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