Le poisson lune  "MOLA   MOLA"

 

Une aventure en Corse avec MOLA MOLA

Gérard Loridon
Récit de Gérard Loridon

 

Dans les années 75/76, il m’arrivait de plonger souvent
avec des Corailleurs dans le sud de la Corse,
au large des Moines.
Un endroit paradisiaque où il était courant de les voir repousser les mérous peu farouches d’un revers de marteline.

 

Je me piquais de réalisations photographiques.
J’emmenais donc mon Calypsophot
et ses lampes magnésiques qui partaient quand elles voulaient.
Il leur arrivait aussi de prendre l’eau et de vous péter au museau,
A 60 mètres ça fait un drôle de bruit.

récif des moines
Le récif des moines

 

Je ne suivais pas mes amis jusqu’au fond.
Nous plongions à 2 milles des côtes, et ce, sur des roches qui remontaient vers 50 mètres
et dont les tombants descendaient eux, à 60/80 mètres.

carte des moines


Je les abandonnais en haut, me contentant de me promener sur le haut de la pierre
et sur les premiers mètres, ne dépassant pas 60 mètres.
Pour moi c’était suffisant.


Connaissant les insignes tels que « la tour d’Olmeto par l’Uomo di Cagna »
je revenais souvent avec ma femme qui me faisait la sécurité en surface.

Nous avions une petite embarcation Aliénor 470 avec un HB de 40 CV.
Et un bon sondeur papier (je l’ai offert au Musée, mais qu’est ce qu’il m’a fait découvrir comme pierres vierges !)

Donc un jour de juin, je me retrouve à l’aplomb d’une belle roche dite « Pierre à Pascal »,
un ami corailleur qui m’y avait emmené et autorisé surtout à y retourner.
Je prends mes alignements, je vois le sondeur grimper d’un seul coup et vite je mouille la pénaille
(Fil de nylon de 3 dixième, et de 70 mètres de long enroulé autour d’une bouteille d’eau de javel jaune remplie de mousse expansive).
Elle se déroule normalement…pas de courant ou peu…Car des fois il y du jus à faire pâlir un breton.

Je m’équipe: néoprène, bi bouteille 3m 2, bouée Fenzy, décompressimètre, bathymètre, montre, couteau et …
le Calypso phot (qui comme à l’ordinaire refusera de fonctionner à partir de 40 mètres).

Je dis à mon matelot féminin de relancer le moteur et, prenant la barre, de m’amener au flotteur de la pénaille.
« Comme d’habitude retour dans 15 minutes » et je me laisse tomber en arrière.
Descente rapide le long du fil les premiers mètres, et ensuite calmement,
je rejoins le haut de la roche que j’ai aperçue dès -20 mètres.
Je suis plombé un peu lourd, pour descendre sans efforts.
En arrivant au fond je vais quitter l’embout et souffler un coup ou deux dans la Fenzy.

 

Habitué depuis longtemps, je gère individuellement ma plongée,
partant du principe qu’il vaut mieux être seul
que mal accompagné.
Et puis surtout, sachons le une bonne fois pour toute,
le danger est rarement au fond, mais plutôt en surface.
Les Corailleurs savent cela depuis longtemps.

Bon, j’arrive sur mon plateau rocheux et surtout poreux,
avec des trous, des cavités où se promènent corbs, sars, mérous.
Il y a 56 mètres.

Je vais faire le tour sous les auvents qui bordent la roche, ne m’octroyant que – 60 mètres.
Calme, tranquille, légèrement euphorique, normal,
mon détendeur Comex PRO Super Physalie me donne de l’air à profusion.
mérou
mérou

Pour que mon épouse en surface soit toujours à ma verticale,
je déplace le plomb de la pénaille et je le pose, faisant des ronds autour mais toujours visible.

Quand arrivent les quatorze minutes, coup d’œil sur le décompressimètre:
la flèche est dans le rouge, juste au début de 6 mètres, alors allons y.
Je démarre rapidement les premiers mètres en regonflant un peu ma Fenzy à la bouche,
et je vais, à partir de 40 mètres, contrôler ma remontée le long de la pénaille, que je secoue de temps en temps.
Voyant la bouée qui gigote, ma femme l’attrape avec la gaffe, et l’amarre sur le taquet arrière.
Elle stoppe le moteur et met à l’eau, fixée sur l’autre taquet, la ligne de palier, que j’ai préparée avant de plonger.
Là, c’est un bon gros cordage de 15 mètres avec un plomb de 10 kilos au bout.

Je remonte tranquille, main sur main le long de la pénaille.
Quand je l’ai sentie amarrée, j’ai vidé la Fenzy. Je peux tirer dessus pour me hisser car maintenant je suis lourd.
J’arrive à 15 mètres sur la gueuse.
Voyons quels sont les paliers à faire; inutile de regarder ma tablette Fenzy attachée sous la bouée.
Je connais les chiffres qui actuellement feraient frémir:
pour 15 minutes de plongée, 15 minutes de paliers
soit 1 minutes à 9 mètres, 4 minutes à 6 mètres et 10 minutes à 3 mètres.
Ce sont les tables GERS dites Marine Nationale 65.

Je les ai utilisée telles quelles au début et je n’ai jamais eu d’accident.
Mais un de mes amis, ancien médecin du GERS,
m’a signalé qu’il fallait prendre en compte le fait que je plongeais tous les jours quand il faisait beau.
Et je signale que même avec les MN 90 et autres, il en est de même.

Alors je commence mes paliers avec une minute à 15 mètres.
Ensuite, je vais majorer en proportion les autres paliers.
Avec en plus un conseil de Frédéric DUMAS:…pour aller d’un palier à l’autre: 30 à 40 secondes
et une minute complète pour aller de 3 mètres à la surface.

 

Comme il est facile de le constater, plus de sécurité ce n’est pas possible.
J’ai toujours le bateau au dessus de moi,
pas de nage de retour exténuante en fin de plongée pour rejoindre le mouillage,
pas de remontée incontrôlée dans le bleu.

 

Ce jour là, je fais mes paliers tranquillement regardant l’aiguille de mon décompressimètre régresser doucement.
Quand tout à coup, je vois une ombre noire de belle taille, assez loin cependant car la visibilité est bonne.
Et une autre; je me retourne: une troisième et d’autres autour.
Giclée d’adrénaline !
Mes amis corailleurs m’ont dit « un jour, au palier, tu verra le Jean Louis. Nous, on l’a tous vu au moins une fois… »
Je suis loin d’être rassuré car le Jean Louis, pour tous les pêcheurs du monde, c’est le requin,
et là, ils ont l’air nombreux …et de tous les côtés.
Je me remémore les conseils de Pascal « tu lui fais face et tu ne le perds pas de vue.
Quand il va se sentir trop observé, il va faire quelques tours et il va partir.. »
Il en a de bonnes lui ! là ils sont 7 ou 8.
Ma tension monte.
D’autant plus que en surface ma femme elle, a vu les aillerons au ras de l’eau et secoue la corde.

Finalement l’un des bestiaux s’approche et j'éclate de rire dans le masque:
c’est une horde de Mola Mola, des poissons lune de fort belle taille d’ailleurs…
Quelle trouille rétrospective!

mola mola
poisson lune "mola mola"

Je finis mon palier et je remonte doucement, pour me faire engueuler copieusement.

- « Tu n’es pas un peu cinglé, de jouer avec ces bestioles,
c’est plein de requins, j’ai vu les ailerons en surface et il y en a d’autres qui s’approchent »

Je vais avoir du mal à la convaincre. Surtout que, comme c’est souvent le cas, par ce très beau temps,
il y en a plusieurs groupes nageant prêt de la surface alentour.

 

Elle sera boudeuse pendant tout le retour,
n’ayant qu’une seule question « ça se mange ces poissons là ? »
Où va se nicher le doux réalisme féminin.

 

PS. Si vous plongez dans ce secteur, l’insigne que j’ai donné est toujours valable.
On se met dessus avec un sondeur 3 M perfectionné et on va voir monter des roches.
Mais, bien au large, c’est plus beau et on n’est plus dans la Réserve (qui n’existait pas à cette époque)…

 

Commentaire de Claude Lapeyre :

 

Claude Lapeyre

 

En 37 ans de plongée, j'ai eu souvent l'occasion de rencontrer des "mola mola".
En Méditerranée, notamment aux Baléares, en Corse, mais aussi sur la côte d'azur...

Sous l'eau, un poisson lune est impressionant, alors qu'il est inoffensif.
En surface, comme la femme de Gérard Loridon,
on peut confondre facilement ses nageoires avec des ailerons de requin.

mola mola
mola mola

 

 

En 1952, à l'âge de dix-huit ans, Gérard Loridon est devenu plongeur professionnel
en intégrant la SOGETRAM (Société Générale des Travaux Maritimes et fluviaux).
Deux ans plus tard, en 1954, il est militaire dans la Marine nationale en tant que plongeur du GERS.
Il y rencontrera les grands noms de la plongée française :
le commandant Cousteau, le commandant Tailliez ou encore Frédéric Dumas.
Après sa retraite, qu'il prend en 1990, il fonde en 1994 à Sanary-sur-Mer, avec Barthélemy Rotger,
le Musée Frédéric-Dumas, consacré à l'archéologie sous-marine et à l'histoire des équipements de plongée.

Pour le retrouver et lire ses aventures,
cliquer sur la photo
Gérard Loridon

 

 

 

"Mémoires de Plongeurs" c'est aussi un livre
(cliquer sur la photo)

Claude Lapeyre en 1973

 

 

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