PREMIERE NARCOSE
à 60 m

récit de Jean-Pierre Truant

Marseille - lundi 23 avril 1973, archipel de Riou

archipel de Riou

 

archipel de Riou près de Marseille

Plongeurs:

Claude Dijoux
Claude Dijoux
Claude Lapeyre
Claude Lapeyre
Albert Ponso
Albert Ponso
Jean-Pierre Truant
Jean-Pierre Truant

 

Depuis plusieurs jours, nous prospectons les eaux marseillaises pour préparer la venue du club de Plongée Galatée, de Meudon.
Aujourd’hui, notre choix se porte sur l’ïle de Riou, et particulièrement sur les trois îlots, au sud, les « Impériaux ».

carte de Riou

L’îlot le plus au large présente un tombant de plus de 60m.

 
l'empereur du large
L'Empereur du large est plus un rocher
en forme de grosse molaire
qu'un véritable  îlot

 

 

Gérard Jougier
Gérard Jougier MF1

C’est une plongée sérieuse,
or certains d’entre nous n’ont jamais dépassé les 40m,
y compris Gérard Jougier,moniteur fédéral,
directeur technique du club Galatée, à l'époque.

Sauf Claude Lapeyre qui a déjà effectué
une dizaine de plongées entre 45 et 65m.
C’est donc lui qui, tout naturellement, prend la direction des opérations, Gérard Jougier décidant d’assurer
la sécurité à bord du Zodiac.

 

Nous nous immergeons à 11h30.
Nous sommes donc quatre: Claude Dijoux, Claude Lapeyre, Albert Ponso et moi-même.

 

la descente
le tombant vertical
encore plus bas
Le tombant est quasiment vertical et nu jusqu’à 40m.
La plongée ne commence vraiment qu' à 45m.

À partir de cette profondeur, la roche est recouverte « d’écailles » luminescentes,
presque fluorescentes, allant du jaune au rouge vif.

 

algues encroutantes
gorgones
roses de calcaire
corail rouge
Plus bas, d’immenses gorgones noires, bleues, rouges, jaunes, plus ou moins duveteuses abritent des nuées d’anthias.
Nous nous laissons couler émerveillés. Les premières branches de corail rouge apparaissent.

 

Je suis comme dans un rêve, sur un nuage, je vole. . .
et à partir de là, je ne me souviens plus de grand chose,
si ce n’est que Claude Lapeyre m’a demandé si ça allait bien
en m’adressant le signe « OK » et que j’ai été incapable de répondre.

début de narcose

On me racontera plus tard que j’ai été pris en charge et aidé pour la remontée.
  Les cours théoriques nous expliquent que les effets de la narcose disparaissent en remontant de quelques mètres,
pourtant je me souviens très bien être resté dans le cirage assez longtemps.
Au palier, j’étais encore « enfumé »,
mais peut-être étais-je encore sous le coup des merveilles révélées par ce magnifique tombant.

île de Riou
Jean-Pierre Truant sur l'île de Riou, après la plongée.



Commentaires de Claude Lapeyre :

Nous sommes descendus très vite jusqu’à 40m le long de la paroi verticale.
Arrivé en bas le premier, je me suis retourné et j’ai demandé à tous de se stabiliser.
Nous avons ensuite continué à descendre, en nous laissant couler, attentifs à ce que nous ressentions,
comme je l’avais recommandé avant de sauter à l’eau.
Sur les quatre, j’étais le seul a avoir déjà ressenti ce qu’on appelait à l’époque « l’ivresse des profondeurs »,
et je m’étais entraîné, dans la mesure du possible, à en contrôler les effets.
Régulièrement, je lançais à chacun le signe « OK » et obtenais en retour le même signe,
jusqu’au moment où je n’obtins pas de réponse de la part de Jean-Pierre Truant.
Nous étions à 60m.
Je ne fus pas long à me retrouver face à lui, renouvelant mon signe « OK ».
Il me regarda avec des yeux vides et essaya de répondre. Mais ça ne ressemblait à rien.
Il essayait vainement de placer ses doigts, mais ses signes ne signifiaient rien d’intelligible.
Puis, il dut avoir une lueur, une prise de conscience fugace de son état, car il fit le signe « ça ne va pas ».
Je le saisis par le bras, l’empêchant de couler davantage,
et demandai à Claude Dijoux, le plus expérimenté des deux autres , de surveiller Albert Ponso.
Nous sommes restés encore 3 ou 4 minutes à admirer ce superbe tombant et je donnai le signal de remontée.
En surface, le vent d’Est avait forci et Gérard Jougier avait perdu nos bulles.
Avec la houle, il était hors de question d’aller s’accrocher à la paroi de l’îlot pour faire nos paliers.
Il fallait trouver le bateau.
J’entendais son moteur sans le voir.
Il nous cherchait et finit par retrouver nos bulles.
Gérard Jougier nous envoya un bloc de secours accroché à un bout et un pendeur pour les paliers.

Ce fut une belle plongée, trop courte à mon goût, et je me promis de revenir un jour.
Ce que je fis, bien des années plus tard.
Nous ne serons alors que deux plongeurs, et nous atteindrons le bas du tombant à 72m
dans une féérie de corail, accompagnés de mérous,
enregistrant des images qui donnèrent lieu à la production d’un film primé au festival d’Antibes :
« Au-delà des limites ».

Mais ça, c’est une autre histoire…

 

corail rouge
Corail rouge et ses polypes blancs

 

sar
Sar
 
mérou
Mérou

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lire un autre récit sur une première narcose en cliquant ici

 

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